Le laboratoire cinéma de la rue du Landy à Aubervilliers internalise depuis avril la préparation des supports et le scan. Focus sur un des pionniers du tournage cinéma numérique et de sa maîtrise de l’émulsion éponyme, du tournage et la gestion des rushes, en passant par l’étalonnage et la restauration… Dans le monde des labos, les trois associés de
HD Systems, Nicolas Pollacchi, PDG de LoumaSystems, Olivier Garcia, DIT et coloriste, et Hervé Theys, directeur technique, tous anciens de Panavision-Alga, font partie de ceux qui ont accompagné les tournages cinéma dans leur transition vers le numérique au début des années 2000, dans le marché naissant des premières caméras HD, dont la Sony F900 HDCam SR, puis sa version « panavisée », première de la série des CineAlta. Une époque où les seuls 5 diaphs de dynamique et une sensibilité accrue dans les basses lumières demandait une expertise technique vidéo pour délivrer des images conformes au parti pris artistique des directeurs de la photographie.
Chez HD Systems, Olivier Garcia, aujourd’hui étalonneur, fait partie de ces ingénieurs vision devenus à l’époque digital imaging technician (DIT), maillon essentiel de la prise de vue jusqu’à la gestion des rushes. De ses connaissances des caméras broadcast chez «
Pana », il a su pousser dans leurs retranchements les capteurs CCD de la F900, en doublant leur dynamique et en définissant de nouvelles courbes adaptées aux tournages cinéma, notamment au sein de Deux Frères (2004) de Jean-Jacques Annaud mis en lumière par Jean-Marie Dreujou (AFC), long-métrage hybride 35 et Sony F900 panavisée avec optiques Primo,
Dogara de Patrice Leconte (2002),
Bismarck (2002) de James Cameron ou encore
Océans de Jacques Perrin (2009)…
Objectif premium
«
Auparavant département de LoumaSystems, HD Systems est devenue une entité à part entière en amont des tournages de Wolf Totem (2015)
de Jean-Jacques Annaud et Les Saisons (2015)
de Jacques Perrin », raconte Olivier Gracia. Des tournages longs et exigeants dont les rushes furent traités en même temps et pour lesquels il fut nécessaire de former des techniciens pour gérer quelques 400 à 500 heures d’images par film. «
De par nos expériences et notre exigence, nous avions une vision premium du laboratoire numérique, raconte Nicolas Pollacchi,
pour le traitement des signaux, mais aussi pour le visionnage des rushes, l’étalonnage, le visionnage et le rendu final… » Plus qu’une simple LUT…
Pour ces spécialistes de l’« émulsion numérique » qui ont mis au point leur outil interne breveté, le Cinecrystal 65, «
plus qu’une LUT, mais un tricube offrant jusqu’à 65 millions de nuances de couleurs », souligne Olivier Garcia, les travaux de restauration haut de gamme sont venus remplir dès l’année 2020 le carnet de commandes de l’entreprise. «
Avec trois longs-métrages de Jean Delannoy dont les scans furent effectués chez VDM sur Lasergraphics Director et traité par nos soins sur Diamant, Resolve et nos outils internes, suivis des titres de Cea Films, maison de production de Salvatore Piccioto. »
Ce sont ensuite enchaînées des œuvres comme Le Roi de Paris
avec Philippe Noiret de Dominique Maillet (1995) dont une première restauration 2K n’avait pas satisfait le réalisateur : «
nous l’avons refaite à partir des suites DPX brutes », commente Olivier Garcia. Puis vint
La Fille sur le pont de Patrice Leconte (1999), et
Le Peuple migrateur de Jacques Perrin, Jacques Cluzaud, et Michel Debats (2001). Et si jusqu’à présent HD Systems confiait l’essuyage et les scans à des laboratoires tiers, le labo s’est offert cette année la ligne de restauration qu’il lui manquait, à savoir la nettoyeuse-essuyeuse et le scan 4K.
Essuyage Cinetech UK & Scan Cintel
«
Nous avons bâti notre salle d’étalonnage DaVinci Resolve autour d’un projecteur Sony 4K alimenté en quadlink, » résume Olivier Garcia. Pour cette image de 5 mètres de base réputée pour sa calibration, la salle de HDSystems s’inscrit comme un lieu de référence Sony CineAlta. Et de ce couple Sony DaVinci Resolve associé à la création de DCP, le parti pris technique fut d’opter pour un scanner 4K 12 bits plutôt que 10 bits log : «
ce qui importe à nos yeux c’est la quantification, rappelle le spécialiste. Et de préciser :
12 bits est la quantification d’un DCP. Pour nous, scanner un film en 10 bits log pour créer in fine
un DCP 12 bits revient à perdre des valeurs et créer des paliers, si infimes soient-ils. »
Un ensemble de tests a ainsi permis à HD Systems de confirmer son choix du
Cintel G3 HDR+ et ses nouveaux capteurs, en plus de la compatibilité qu’il offre avec Resolve. «
Dès septembre, les négatifs montés de quatre longs-métrages, vont être entièrement traités chez nous, annonce-t-il.
Trois films oscarisés produits par Galatée Films, et 13 Tzameti,
un film en scope N & B réalisé par Gela Babluani, récompensé en 2005 à la Mostra de Venise et à Sundance. »
13 Tzameti de Gela Babluani, une restauration 4K attendue.
Et pour préparer au mieux tous les travaux, le labo numérique a fait l’acquisition d’une nettoyeuse-essuyeuse BSF Hydra du britannique Cinetech. « Nous nous étions rendu compte qu’un double essuyage effectué à l’extérieur, n’était jamais assez satisfaisant, confie Olivier Garcia et les essais que nous avons faits avec la Cinetech ont été bluffants au point que les films polyester retrouvent souvent le brillant de leur jeunesse. » Pour lui, cette nouvelle essuyeuse « représente une avancée par rapport à celles que l’on retrouve un peu chez tout le monde, vieillissantes de surcroît » et affirme retirer jusqu’à 98 % des poussières en une seule passe.
HD Systems est le premier laboratoire français à disposer de la nettoyeuse-essuyeuse de film Cinetech BSF Hydra. Au centre une station DaVinci Resolve et son Mini Panel dédiée à l’acquisition des images provenant du scan 4K Cintel G3 HDR+ (à dr.)…
« C’est une machine extrêmement bien pensée, avec le sens du détail, estime-t-il. De l’usinage des pièces digne d’un travail d’orfèvre jusqu’aux fonctions de réglages fins : l’ajustement précis de la pression et l’orientation des tampons de nettoyage, de séchage… Facile de prise en main, avec d’ores et déjà une soixantaine de bobines traitées, nous avons expérimenté beaucoup de cas de figure. »
C’est sans oublier certains négatifs qui ne sont pas sortis de leur boîte depuis 40 ans. « Sur les pellicules fragilisées, explique Olivier Garcia, la Cinetech montre son efficacité avec les réglages de tension du film, dont une fonction anti-perruquage très efficace. Et surtout la possibilité de programmer des allers-retours automatiques ingénieux pour systématiser un double essuyage et repartir pour un nouveau cycle de traitement à l’Isopar. »
Pour l’heure, avec la maîtrise de toute la chaîne de restauration, HD Systems entend demeurer sur son credo du traitement qualitatif et se « tenir à distance de la politique du flux, » insiste Nicolas Pollacchi. « Nous maintenons le cap du premium, des prétraitements à la finalisation pour consacrer le temps nécessaire à la restauration de chaque œuvre du patrimoine cinématographique qui nous sera confiée. »