Fondée en 1948 à Lausanne, la Cinémathèque suisse vient de célébrer son 75e anniversaire. Direction Penthaz dans le canton de Vaud où l’institution abrite ses archives et son laboratoire numérique partenaire de Magic Hour.
Avec une collection de 485 000 éléments représentant quelque 100 000 titres dont 85 000 films de fiction et documentaires confondus, la Cinémathèque suisse est reconnue comme l’une des cinémathèques les plus importantes au monde. Son département film reçoit régulièrement des fonds de particuliers, de collectionneurs, de maisons de production et de laboratoires. Chaque œuvre ainsi conservée est cataloguée, étiquetée et stockée dans des conditions idéales de température et d’hygrométrie. On y retrouve les négatifs originaux du cinéma suisse, mais aussi des copies de dépôt obligatoire (équivalent suisse du dépôt légal français), des films étrangers… reflet de ce qui a été diffusé et montré en Suisse depuis les débuts du cinéma.
Le site de la Cinémathèque suisse à Penthaz. Il est composé de 3 niveaux souterrains à climat contrôlé pour la conservation des éléments films et non films (affiches, documents et objets en lien avec la production et l’exploitation cinématographiques).
Dans le même bâtiment déployé sur 3 niveaux souterrains, les supports « non-films » complètent la collection. L’esprit de conservation est identique à celui des œuvres de cinéma : restauration, numérisation et conservation dans des conditions idéales de quelque 500 000 affiches, mais aussi de tout matériel ayant contribué à la création et la promotion d’une œuvre, qu’il s’agisse d’un story-board, de documents de préproduction, de décors, de dossiers de presse, d’objets promotionnels…
Grand écart dans les styles, mais dénominateur commun helvète, la Cinémathèque suisse compte parmi son fonds d’objets les éléments du film d’animation stop motion oscarisé en 2017 « Ma vie de Courgette » (2015) du réalisateur suisse Claude Barras, ou encore le xénomorphe de « Alien, le huitième passager » (1979) de Ridley Scott, objet promotionnel d’époque conservé en hommage à son créateur, l’artiste suisse Hans Ruedi Giger.
Aperçu d’une des allées de conservation des bobines films.
Un laboratoire numérique depuis 2019
Le laboratoire numérique de la Cinémathèque suisse a pour mission de numériser les restaurations déjà disponibles sur support photochimique pour en réaliser des éléments de diffusion, mais aussi de restaurer les œuvres qui ne sont pas confiées aux laboratoires externes partenaires (en Suisse, l’Office fédéral de la culture [OFC] détermine chaque année une liste de films et un budget à allouer aux laboratoires externes).
Le laboratoire numérique compte une dizaine de stations DaVinci Resolve ayant accès au SAN et utilisées comme ferme de rendu. La salle d’étalonnage ci-contre accueille réalisateurs, chef opérateurs et ayants-droits à des fins de validation des travaux de restauration.
C’est en 2019 que le département Film de la Cinémathèque s’est paré de son propre labo. À la tête de ce projet, Nicolas Ricordel, ancien chef du département numérique au CNC, a mis à profit ses années passées au sein de l’institution française pour définir ses nouveaux besoins : « Ici, notre équipe est réduite, il nous fallait un matériel à la fois performant et très ergonomique afin que chaque membre puisse suivre un projet de A à Z, explique-t-il. C’est-à-dire de prendre en charge la numérisation, la restauration, l’étalonnage, la fabrication des livrables et l’ingest et sa documentation. Au cœur du dispositif : un scanner Lasergraphics Director 5K. « J’ai formé nos trois restauratrices numériques à l’usage du Director. Avec lui, pas de ligne de commande, il propose un choix de paramètres à déterminer, sa calibration est simple à effectuer… » Mais de tels avantages ne s’arrêtent pas là. « Dès le début, nous avions principalement besoin de numériser rapidement le fonds en attente. D’expérience, je savais que le Director était un scanner de haute qualité et rapide pour assurer une cadence de 2 à 3 images par seconde en couleur et HDR et 10 i/s pour du film noir & blanc. » Aujourd’hui, le laboratoire traite « une centaine d’œuvres par an, courts et longs-métrages confondus, » estime Nicolas Ricordel. En aval des opérations de scan, le même esprit de performance et d’ergonomie est au cœur des choix de chaque ressource : de Diamant-Film de l’allemand HS-ART Digital pour la restauration numérique ; mais aussi Resolve qui, pour le responsable du laboratoire, « est une formidable boîte à outils », du transcodage en passant par le montage « devenu de plus en plus robuste », l’étalonnage bien sûr, « mais aussi pour sortir quasiment l’ensemble des livrables. » Pour l’anecdote, Nicolas Ricordel a pu obtenir de Blackmagic Design de proposer une gestion des fichiers DPX en noir & blanc. Côté travail de l’audio, les ingénieurs du son restent pour l’instant très attachés à Pro Tools, concède Nicolas Ricordel, « ce qui ne nous empêche pas de rester à l’écoute des évolutions de Fairlight, » souligne-t-il.
Conserver les œuvres tournées en numérique
Le système d’archivage robotisé est assuré par 1750 slots LTO dans des librairies IBM.
On pense au support film pour archiver de manière pérenne. Mais qu’en est-il des œuvres qui n’ont connu que le numérique du tournage à l’exploitation ? La Cinémathèque suisse a mis en place un projet de retour sur film dédié à ce cas particulier. « Nous nous mettons dans la peau des futurs archivistes qui manipuleront peut-être ces pellicules dans un siècle, » lance Nicolas Ricordel. En pré-roll y figurent les mires et informations de scan qui permettront de restituer l’image telle qu’elle fut définie originellement pour l’exploitation du DCP. C’est au laboratoire photochimique Cinegrell basé à Zürich que la Cinémathèque confie l’ensemble de ses retours sur film. « Avec Cinegrell, nous avons mis en place un ensemble de procédures de calibration à travers des mires et des LUT conjointes pour ce qui concerne les œuvres que nous avons restaurées, explique Nicolas Ricordel. Ces retours sur films destinés à la conservation sans vocation à tirer de nouvelles copies sont numérisés une dernière fois à l’aide du Director pour une ultime comparaison avant validation des valeurs de résolution et de colorimétrie. »
Côté archivage, la Cinémathèque effectue actuellement la migration de ses librairies LTO6 vers LTO9 pour à terme compter une capacité de 30 pétaoctets avec un data management en cours de redéfinition. Misant sur l’automatisation, c’est en interne qu’ont été développées la solution visant à assurer la migration vers LTO9 et la nouvelle base de données permettant la documentation et la gestion automatique de tous les fichiers. Quant au SAN Quantum fibre 32G StorNext de 300 To du laboratoire, il devrait prochainement connaître une mise à jour de capacité.