Focus IA : intelligence artificielle, une menace pour les métiers de l’audiovisuel ?

Bien qu’encore indisponible en Europe, Sora, le dernier né d’Open IA spécialisé dans la création d’images animées ultra-réalistes suscite déjà moult interrogations. En janvier 2023, la Newsletter Magic Hour testait le nouveau ChatGPT. Depuis, le terme IA s’est introduit dans nombre de solutions de production. Réflexions…


L’introduction des technologies d’intelligence artificielle tend à redéfinir les dynamiques des métiers de la création. Et les disciplines artistiques de la production ne font pas exception. Si l’IA a déjà influencé le contenu écrit —exigeant toutefois une supervision humaine— son potentiel que certains qualifieraient de « disruptif » suscite d’ores et déjà de vives inquiétudes. Comme chez les comédiens de doublage depuis la possibilité de recréer des voix existantes, et sans doute, bientôt, les créateurs d’images animées avec la mise sur le marché ce mois-ci (hors Europe) de la première version de l’IA générative d’images hyper réalistes d’Open IA, Sora.

Des métiers en danger ?
Les syndicats de doubleurs s’émeuvent d’ailleurs des problématiques soulevant à la fois à la question de propriété de leur voix, mais aussi celle de l’idée de perdre des opportunités d’emploi. À cet égard, la Confédération internationale des sociétés d’auteurs et compositeurs (Cisac) estime dans une étude parue début décembre que l’utilisation de l’IA risquerait de réduire de plus de 50 % les revenus des métiers du doublage (traducteurs, adaptateurs, techniciens et comédiens). Les artistes de l’image animée pourraient leur emboîter le pas pour des raisons similaires.
L’IA permet de créer des voix synthétiques réalistes sous certains aspects et des effets visuels plus ou moins complexes à des coûts réduits et avec une rapidité d’exécution hors du commun, avec certes encore quelques maladresses. Des fonctionnalités « IA » se font déjà sentir sur des postes liés à des tâches techniques simples ou répétitives. Toutes ces « innovations » pourraient à terme affecter les petites structures qui ne disposent pas des moyens pour rivaliser avec ces technologies avancées, aggravant les disparités économiques dans le secteur. Ne serait-il pas judicieux de s’approprier tous ces outils comme c’est déjà le cas pour certaines tâches d’automatisation comme l’ont compris les éditeurs de softs ?


Mêler aspects éthiques et juridiques

Mais déjà, sur le versant artistique, se posent des questions juridiques et éthiques. La reproduction non autorisée de voix via l’IA constitue une atteinte potentielle aux droits d’auteur et au droit à l’image. Cette problématique s’étend également à la création de visuels générés, inspirés de contenus existants, souvent perçue comme une dévalorisation du savoir-faire humain. Au vu de ces derniers, les systèmes d’IA présentent ouvertement des risques liés à la transparence des processus créatifs : les artistes peuvent perdre le contrôle sur leurs propres créations une fois celles-ci incorporées dans des modèles algorithmiques, au détriment des règles de la propriété intellectuelle.
Outre ces considérations légalement légitimes, se pose aussi la question des fins malveillantes, incluant des usages stratégiques visant à perturber les équilibres géopolitiques et autres campagnes de désinformation à travers les deep fakes, rendant d’autant plus complexe la distinction entre le véritable et le faux.


Une coopération IA/métiers possible ?
Malgré ces menaces potentielles, l’IA offre aussi des opportunités susceptibles de contribuer avec discernement aux métiers artistiques. Notamment au regard des processus créatifs. Elle peut se charger des aspects techniques et répétitifs, permettant aux professionnels de concentrer leurs efforts sur des dimensions plus stratégiques et innovantes. Dans le cas des métiers de l’image elle permet assurément accélérer la production d’assets tout en enrichissant la narration globale des projets, en rendant accessibles aux créateurs indépendants des outils de production avancés, en stimulant la créativité dans des domaines jusque-là limités par les coûts.



Loin de précipiter l’extinction des métiers artistiques et certains postes de l’audiovisuel, la vigilance est de mise même si l’IA invite sans conteste à une reconfiguration des usages. Les qualités humaines—intuition, compréhension contextuelle, sensibilité émotionnelle—restent difficilement imitables par les algorithmes actuels. Mais pour combien de temps ? Et les limites éthiques et techniques que nous aurons fixées à cette technologie constitueront un garde-fou nécessaire pour laisser s’épanouir la création humaine avec pourquoi pas l’IA comme catalyseur d’une évolution inclusive, laissant l’avenir de l’audiovisuel se positionner à la croisée des chemins entre innovation et respect des valeurs artistiques.