Rencontres : préoccupations autour de la maintenance des équipements de scan et de shoot
Quid de l’avenir de la maintenance des matériels dédiés au scan et au retour sur film ? Une interrogation qui résonne au cœur des préoccupations de tous les acteurs engagés dans la préservation cinématographique : des instituts de restauration aux cinémathèques en passant par les laboratoires numériques.
Lors d’une table ronde organisée par le CNC et le laboratoire Immagine Ritrovata durant la 37e édition du festival Il Cinema Ritrovato de Bologne (24 juin-2 juillet), la communauté des archives et des labos spécialisés dans la restauration et la conservation cinématographique s’est réunie pour échanger sur les défis et les solutions visant à maintenir en état leurs équipements.
L’objet de ce panel était clair : faire connaître les inquiétudes des utilisateurs quant à la pérennité et à la maintenance d’équipements devenant progressivement rares. Qu’ils soient numériques ou mécaniques (comme les essuyeuses et les développeuses de films) et dont les pièces sont devenues difficiles à trouver. Davide Pozzi, directeur de L’Immagine Ritrovata et modérateur des débats, a entre autres souligné l’importance de ces équipements dont la maintenance est de plus en plus précaire. Cependant, les discussions ne se sont pas limitées aux équipements traditionnels. Les scanners modernes ont également fait l’objet d’un débat intense, mettant en lumière les enjeux liés à leur développement R&D et à leur maintenance.
Un éclairage sur les solutions
La table ronde a ouvert sa tribune aux quatre principaux fabricants de scanners, à savoir ARRI, DFT, Lasergraphics et Filmlight, tous représentant des solutions haut de gamme équipées de capteurs non Bayer, conformément à la recommandation CST pour le scan dédié à la restauration et à la conservation de patrimoine cinématographique. Ces acteurs majeurs ont eu l’occasion de partager leurs visions concernant la pérennité et la maintenance de leurs produits. Il fut aussi abordé les inquiétudes autour de la disponibilité du support photochimique, une préoccupation cruciale dans le contexte actuel. La présence de Kodak dans un second temps a rassuré les participants en confirmant son engagement à maintenir sa production de pellicule, garantissant ainsi la continuité de ce support.
Les enjeux de la discontinuité
Parmi les préoccupations réside le risque que certains fabricants cessent la production de scanners et de leur entretien, comme Filmlight, laissant les propriétaires d’équipements existants dans l’incertitude concernant la maintenance, qu’elle soit matérielle ou logicielle. Cette question soulève des problèmes complexes, allant des pièces détachées à la question du soutien logiciel. Certains fabricants ont choisi d’arrêter leurs efforts en R&D, d’autres continuent à innover.
Au service de la maintenance : le cas Lasergraphics
Lors de ces présentations, la politique de maintenance de Lasergraphics, distribué par Magic Hour, a été mise en avant et particulièrement saluée. Fortement investi dans la recherche et le développement, le constructeur américain garantit un suivi de maintenance de 20 années après la fin de commercialisation d’un de ses produits. Son modèle repose sur des remplacements modulaires de composants. Une approche qui permet des interventions rapides tout en évitant de dépêcher un technicien sur place, véritable surcoût pour l’utilisateur : les remplacements de modules ne nécessitent pas de compétences techniques spécialisées et peuvent être effectués par le client lui-même.
Craintes persistantes avec les équipements datés…
Autre inquiétude et pas des moindres, celle portant sur les équipements de retour sur film (films recorders) conçus dans les années 90, lesquels comportent des systèmes informatiques vieillissants. La disponibilité des pièces de rechange ainsi que la disponibilité de personnel qualifié pour assurer leur maintenance restent des sujets préoccupants.
…notamment autour du shoot
Le « shoot » (retour sur film) est fondamental pour la préservation des films, qu’il s’agisse d’œuvres restaurées ou de nouvelles productions. En plus de l’archivage numérique, l’archivage sur pellicule demeure un mode de préservation autoportant avec des principes de conservation bien établis. Plus qu’un marché de niche, le micro marché du retour sur film concerne aujourd’hui les rares longs-métrages tournés en argentique et certains pays comme la France qui mettent un point d’honneur à archiver films frais et films restaurés à la fois sur pellicule et en format numérique.
Cependant, l’inquiétude quant à la maintenance des film recorders toujours en activité ne cesse de grandir auprès des archives et labos spécialisés, avec notamment la crainte de voir ce type de matériels suivre le destin des excellents shooters Aaton K toujours en activité, mais dont la fabrication et la maintenance ont été abandonnées par leur société mère. L’absence de nouveaux développements et la pénurie de personnel compétent pour les maintenir donnent aujourd’hui des sueurs froides à leurs propriétaires, tant pour les utilisateurs de l’Aaton K que pour les shooters d’autres constructeurs.
Pour conclure, tous ces débats, impulsés par Simone Appleby, cheffe de service du laboratoire de restauration du Centre national de la cinématographie et de l’image animée (CNC) ont permis de jeter une lumière crue sur les préoccupations actuelles et les solutions potentielles liées à cette maintenance apportées par les constructeurs présents. Dans un contexte où les défis écologiques liés au photochimique, la discontinuité des fabricants et les ressources financières limitées influencent le paysage, les acteurs de la restauration et de la préservation du patrimoine cinématographique s’efforcent de garantir un avenir durable à ces outils cruciaux. Seule la collaboration entre les fabricants et les utilisateurs, associée à des approches novatrices de maintenance, peut jeter les bases d’une préservation du patrimoine cinématographique solide et continue.